Puisque l'écriture est mon médium artistique favori, j'ai conçu ce blog pour partager mes réflexions et expériences car tout, chez moi, est "hyper" : l'activité cérébrale, les émotions, les sens, la perception, l'empathie, l'intuition... Diagnostiquée TDA(H), puis Asperger et HP à l'aube de mes 50 ans, j'explore ces étiquettes et j'exprime mes découvertes et ressentis..

mardi 19 novembre 2019

Barbares et sauvages

"Etre libre ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. La véritable épreuve pour notre attachement à la liberté vient de commencer." - Nelson Mandela


En attendant, on trouve encore des livres qui disent vouloir aider les parents a garder leurs enfants calmes et attentifs, et présentant "50 fiches CONTRE l'hyperactivité et le TDAH". 

CONTRE !
Le choix des mots...

Où comment aller CONTRE la nature de votre enfant. 
Contre la nature...
Les gens qui connaissent et respectent le moins la nature aiment l'utiliser comme argument pour forcer leur normalité : "c'est contre-nature", tout en s'opposant à elle de toute leur volonté.

Domestiquez-les convenablement, vos enfants ! Qu'ils demeurent calmes et attentifs, tous sans exception, prêts au gavage, immobiles sur leur banc d'école. 

Notre civilisation adepte de l'uniformisation a toujours horreur des "barbares" et des "sauvages". Elle les a systématiquement colonisés, dévalorisés, diffamés, pour installer sa supériorité, et s'ils résistaient, ne se rendaient pas exploitables, elle les exterminait.
Quand ils naissaient en son sein, elle les traitait de cancres, les éjectait, les cassait dans la pauvreté, en faisait de la chair à canon ou de la main d'oeuvre. 
Aujourd'hui, elle leur liste leurs déficiences, elle les pathologise et les drogue.

On m'a un jour fait remarquer l'analogie avec les chevaux, étant donné que j'ai travaillé longtemps dans le milieu équestre.
"Si tu avais dans ton écurie un cheval intraitable (ce qui le rendrait dangereux, vu la taille et les "armes" d'un cheval : sabots, puissance, dents...), tu ne lui donnerais pas un calmant, ne fût-ce que pour pouvoir lui prodiguer les soins élémentaires du maréchal-ferrant ou du vétérinaire ?"
Oui mais attendez, là... On parle bien de domestication, n'est-ce pas ? Parce que dans l'idéal, un cheval intraitable, je le remets en liberté avec ses semblables sauvages. D'accord, la vie sauvage nous apparaît comme cruelle, mais on oublie l'incroyable violence que la domestication inflige à la nature, à l'instinct, à l'individualité des êtres vivants réduits à l'utilisation (ou à l'emploi) !
Au sinon, puisqu'il n'y a plus de troupeau de chevaux sauvages, je laisserais cet animal vivre autant que possible selon ses inclinations, mais puisque je l'ai privé, par la domestication, de tout accès à l'autonomie, c'est à moi d'assumer les soins et l'apport alimentaire tout en respectant son désir d'indépendance.
Il n'est pas dans mes écuries par choix, faut-il le rappeler !
De même, notre société devrait élargir ses systèmes de manière à rendre l'autonomie à ceux dont la nature, l'inclination et l'intelligence réclame un autre fonctionnement.
Plus d'autonomie et de largesses dans la pédagogie, dans les horaires, dans la chronologie de l'apprentissage, dans la vie de tous les jours, dans l'accès aux professions artistiques, artisanales, scientifiques et indépendantes, etc.
Remplacer les profs par des guides et des mentors, des adultes qui savent ce que c'est que d'être "sauvage" et qui enseignent par l'exemple, par la présence, par la conscience, l'équilibre entre l'individu et le collectif.

Ainsi que le proposent maintes écoles à la pédagogie alternative ! Rendre ces écoles accessibles, et diversifier les types d'écoles et de pédagogies, sans pour autant que cela nuise à l'accès au monde professionnel (qui doit, lui aussi, s'élargir, du coup), quel rêve magnifique !!



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[Source de l'image : https://www.youtube.com/watch?v=LqgVf2APQqQ]
Car c'est cette même violence de domestication qui est infligée aux "sauvages" et "barbares" de nos salles de classe, ou de nos écuries de poulains destinés à l'emploi.

L'emploi ! Je ne me suis toujours demandée pourquoi ce terme associé au vivant de choquait personne...

Tant qu'on ne créera pas une société qui permet aux individus de cohabiter et de "fonctionner" ensemble dans le respect des diversités de natures, d'inclinations, de genres et d'intelligences, notre société ne sera rien d'autre qu'une entreprise d'exploitation intensive, et nous ne seront rien d'autres que des outils.  

Quand, l'année dernière, j'ai repris des études, un régendat en français, dans un élan masochiste, sans doute, mais aussi pour voir l'école sous un autre angle, j'ai dû faire des stages dans un collège.

Dans ses classes de première secondaire, la prof de français - un cours majeur et déterminant - adoptait un comportement volontairement méprisant, rabaissant, envers les enfants présentant une intelligence alternative : HP, TDAH (mais qui sont souvent HP aussi), les timides, les distraits, les artistes, les sensibles...
Elle les "cassait".
Et insistait auprès des parents que ce collège n'était pas un endroit pour leur enfant. Elle les poussait dehors à coups de petites humiliations répétées, de mauvaises notes, de mots dans le journal de classe, de punitions ("copiez 100 fois la page 65 du Bescherelle". Véridique !)
Elle écrémait ainsi ses classes de premières.
Et personne ne trouvait ça abjecte.

Ce n'est pas un comportement isolé !
Mon fils "dys" en a fait les frais en première primaire, dans un autre collège.

De fait, lorsque j'ai observé et puis donné cours dans ses classes de deuxième, donc la crème, j'avais devant moi des jeunes sans plus aucune étincelle d'intelligence créative.
Éteints.
Dociles.
Calmes et attentifs.

Ah, pour ça, c'était bien plus facile de donner cours à une classe de 25 ados calmes et attentifs, obsédés par les points sur le bulletin, qu'à une classe de 25 ados aux intelligences aussi diverses qu'il y a de personnalités !

Qu'on réduise le nombre d'élèves par classe !
Et qu'on diversifie cette foutue pédagogie !!

Mais il y a pénurie de profs, vous répondra-t-on.
Alors là, c'est un comble, parce que j'ai passé une année entière en haute école, et s'il y a une chose dont je peux témoigner, c'est que la formation des profs est élaborée pour et par un seul type d'intelligence, celle qui règne en maître et ne supporte pas de concurrence.
Les hypersensibles, les HP, les TDAH et autres atypiques ne peuvent pas endurer longtemps ce type de formation en apparence pleine de bonne volonté mais prise dans la rigidité institutionnelle réfractaire à toute évolution. 
Oh, j'ai eu des profs vraiment supers quoique eux aussi un peu résignés par la force des choses. Face à ce Goliath institutionnel, les quelques David encore motivés sont rares.
Conséquemment, nous étions 33 en septembre et 12 en juin.

Et dans ces 12, quelques uns s'accrochent encore parce qu'il le faut bien, désenchantés et dégoûtés qu'ils sont. Ils se fabriquent eux-mêmes les œillères pour tenir le coup. Ils se désensibilisent et se dénature (on appelle ça de l'adaptation. Voir l'article ICI). Ils ont besoin du diplôme et espère un boulot qui donne un brin de sens à leur vie.
Les bonnes intentions de l'institution éducative, c'est du flan !
Avant de lancer des décrets à tort et à travers pour réviser l'école, c'est la formation des profs qui doit être réformée. Il faut remodeler les cours et les stages, balayer les incohérences et l'hypocrisie. C'est là qu'il faut d'abord réinstaurer la diversité !

Parce que les jeunes qui sortent diplômés des hautes écoles sont ceux qui ont pu endurer le formatage, souvent parce qu'ils sont d'une intelligence similaire à l'intelligence régnante, pour la majorité, et ils ne voient pas du tout où est le problème, ou, pour une minorité, qu'ils se sont abîmés pour tenir le coup. L'écrémage commence là ! 
Conséquemment, il n'y a pas assez de profs, d’une part, et il y en a très peu qui sont prêts à militer pour apporter à l'école un changement assez profond vers le respect de l'enfant, de l'humain. D'autant plus qu'il est difficile de faire évoluer l'école sans qu'évolue, en parallèle, la société ! 
L'emploi, le consumérisme, le travail, les familles... tout ça.
La tâche semble titanesque !

Notre société n'est jamais sortie du colonialisme. Elle persiste à dominer les personnalités et les intelligences "barbares" et "sauvages", les esprits libres, naturellement anarchistes, ceux qui veulent bouger plus vite, sont qui sont naturels, qui ressentent plus intensément, qui désirent penser autrement, apprendre autrement, comprendre autrement, vivre autrement, qui bousculent et menacent d'éclater les carcans.

"Mais mâtez ces gosses, à la fin !" entendra-t-on encore longtemps, hélas.



FLB

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