Puisque l'écriture est mon médium artistique favori, j'ai conçu ce blog pour partager mes réflexions et expériences car tout, chez moi, est "hyper" : l'activité cérébrale, les émotions, les sens, la perception, l'empathie, l'intuition... Diagnostiquée TDA(H), puis Asperger et HP à l'aube de mes 50 ans, j'explore ces étiquettes et j'exprime mes découvertes et ressentis..

mercredi 13 novembre 2019

Le lexique par lequel on nous définit




Depuis qu'on m'a affublée de cet acronyme TDAH + HP pour expliquer mes épuisements et dépressions chroniques, je me suis penchée sur les sites, les brochures et les groupes Facebook dont l'objectif est de sensibiliser la population, les parents, les éducateurs, les assistants sociaux, etc.

Vous savez ce que ça fait de se voir décrit uniquement en termes de déficit, de trouble, de difficultés neurobiologiques, de faiblesse, et de voir lister en conséquences de mes spécificités atypiques les catastrophes et échecs sociaux, professionnels et personnels qui m'attendent ou que j'ai traversés ?

Encore récemment, dans un article scientifique, on parle "des altérations du cerveau qui perturbent les processus cognitifs, mais aussi des anomalies qui provoquent des carences de motivation"... J'vous jure  
Les Scientifiques s'obstinent à vouloir que tous les cerveaux humains soient identiques et conformes à un seul processus cognitif que, je ne sais selon quel critère uniquement valable pour les codes restreints de la civilisation occidentale, ils estiment idéal, sans doute, allez savoir ! Et tout ce qui diverge n'est plus que dysfonctionnements ou troubles ou perturbations. Ça commence à m’énerver un brin, cet espèce de totalitarisme uniformisateur qui transforme la diversité en une déclinaison de pathologies.
Carences de motivations ? Tu parles !
Personnellement, je ne trouve pas grand chose de motivant à la vie moderne. Est-ce vraiment la faute de mon cerveau ?

En tant qu'adultes TDAH, on nous décrit sans cesse comme des dysfonctionnels congénitaux pour lesquels le bonheur et la fameuse réussite (selon des définitions bien spécifiques de ces notions) sont inaccessibles sans un traitement  thérapeutique et/ou médicamenteux.
On nous évalue en coût pour la société et pour l'éducation. Les statistiques nous inscrivent dans les basses classes sociales, instables et incapables que nous sommes de générer puis de gérer le fric.
D'un autre côté, existe-il pour nous un autre débouché ? Une forme d'autonomie qui nous permettrait de vivre dignement en toute créativité et selon notre esprit dénué d'ambition professionnelle ou sociale typique, de ce besoin de rendement?
NON.
Parfois, je me dis que les TDAH sont les résurgences d'une civilisation plus ancienne... Ou bien la marque d'une évolution qu'on s'efforce d'endiguer pour assurer la pérennité du système en place. 
Ou les deux.

En tant qu'enfant... J'imagine, non, JE SAIS, ce que ressentent ces enfants dont la personnalité, l'esprit à tendance anarchique, la sensibilité et l'intelligence subissent des attaques incessantes de la part des adultes. Les parents sont épuisés et débordés, en questionnement parental et en burnout par la faute de ces enfants infernaux et incompréhensibles. Les instituteurs doivent exercer des efforts considérables et éreintants pour gérer ces élèves et certains ne retiennent pas de le dire tout haut.
Ces gosses se coltinent, en plus de l'école, des devoirs et des activités extrascolaires où il faut AUSSI des résultats satisfaisants, des consultations chez une flopée de professionnels, pédopsychiatres, logopèdes, etc. pour bien démontrer qu'ils ont un problèmes à soigner.
Les médicaments doivent être testés jusqu'à ce qu'on trouve le dosage qui les rendront dociles, et bonjour les effets secondaires ! Tant pis s'ils ont l'impression de ne pas être eux-mêmes tant que dure l'action des médocs puisqu'ils ne font plus de vagues et qu'ils ont de meilleurs résultats scolaires (ce qui les rend plus heureux, il faut l'avouer, moins anxieux puisque les adultes autour d'eux sont satisfaits).

Ah, oui, parce que leur identité, leur valeur sociale et leur avenir dépend de leurs résultats scolaires.

L'impression d'inadéquation, le stress d'inhibition, l'horrible sentiment d'impuissance, et les impacts sur ces être hypersensibles et hyperémotifs des disputes, cris, accusations, déceptions, injustices, horaires serrés, pressions, étiquettes, immobilisation, stigmatisation, provoquent des crises qu'on remet sur le compte de leur instabilité, et le cercle vicieux destructeur d'estime de soi est enclenché. Mais en étant régulés chimiquement, ils ne souffrent plus de leur différence. Ils ne sont plus un problème ni une déception. Ils se sentent à nouveau aimés, acceptés. 
Alors on dit : "Ah, le médoc agit bien. Quelle chance !"
Oui, mais à quel prix ?

Pourtant, savez-vous que les enfants TDAH et/ou HP ont une conscience et sensibilité de soi plus élevée ? Il savent très bien ce qui leur convient ou non et ils réagissent  par le fight-or-flight de manière plus excessive. C'est d'autant plus une question d'auto-préservation qu'ils ressentent très fort la peur d'être abîmés dans leur intégrité physique ou psychique.
Et du coup, c'est certainement ce qui leur arrivera... Puisque peu de structures dans lesquelles ils doivent grandir ne les abîment pas.
Au lieu de mettre en avant cette conscience de soi, d'aider leur entourage à accepter ce besoin de cohérence, de montrer à ces enfants comment se faire respecter avec tact au lieu d'exploser ou de tolérer ce qui leur est toxique - et c'est une capacité dont nombre de personnes pourraient bénéficier - on les dit irritables, agressifs.

Savez-vous que ces enfants ont un sens développé de la justice qui les pousse à apprécier la transparence ? Ils vous disent spontanément ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent, ce qu'il vivent (sauf une fois conditionnés, évidemment, quand ils ont appris que beaucoup d'adultes autour d'eux sont faux ou n'en ont rien à foutre. Alors ils pratiquent une inhibition qui les mine). Ils ont du mal à comprendre les conventions sociales stoïciennes, les secrets, les tabous, la diplomatie, les codes sociaux plein d'hypocrisie... et la politique. Au lieu de soulever leur franchise et leur ouverture d'esprit, le fait qu'ils ne sont pas calculateurs ni manipulateurs (au début, en tout cas), ni hypocrites ni stratèges, qu'en dit-on ?
Qu'ils sont naifs, impulsifs, irréfléchis, désorganisés.
Rien que des traits négatifs.

Savez-vous que ces enfants sont autodidacte de préférence et ont la faculté d'appréhender plusieurs choses à la fois ? Si l'école organisait plusieurs cours dans la même classe et permettait aux élèves qui le souhaitent de passer de l'un à l'autre à loisir, les TDAH seraient aux anges.
Et les autres élèves, clairement en désavantage !
Et pourtant, parce que l'école est élaborée par et pour un seule type d'intelligence, on leur diagnostique un "trouble du déficit de l'attention". C'est tout de même un comble, non ?

Savez-vous aussi que les dyslexiques ont une vision et une mémoire qui pourraient se révéler être un avantage pour une compréhension alternative des choses ? Imaginez ces enfants dans une civilisation fondée sur la tradition orale. Ils y seraient brillants ! Idem pour les dyscalculiques : leur façon d'appréhender les nombres et les quantités pourraient nous éclairer à bien des niveaux.

Au lieu de quoi, on parle de déficit, de trouble, de dysfonctionnement, de dépression, de dysphorie, de mal-être, de désorganisation, de difficultés neurbiologiques, et j'en passe... Mais si vous demandez à une antilope de se comporter comme une panthère ou à un poulpe de se faire passer pour un poisson rouge, il y aura certainement un mal-être et des difficultés !



Pourquoi les divers organismes et associations de sensibilisation ne promeuvent-ils pas plus l'élargissement des normes institutionnelles et l'adaptation des pédagogies, des structures d'accueil et de vie à la diversité des intelligences, des personnalités, plutôt que les traitements médicamenteux ? 
Pourquoi ne parle-t-on pas de la sensibilité aiguisée, de l'intuition développée, de la fougue, de la spontanéité, de l'authenticité, bref des caractéristiques de ce type de personnalité en termes positifs de capacités, de curiosité, de propension à l'autonomie, d'intelligence globale, et ne met-on pas en avant les avantages de tels processus neurobiologiques ?

Pourquoi ne pas élargir la marge de tolérance envers l'impulsivité, la créativité, la sensibilité ?

« LA MANIÈRE DONT UNE SOCIÉTÉ CONSIDÈRE LE HANDICAP EST UN CHOIX DE CIVILISATION. Il faut d’abord cesser de le considérer comme une exception, de le réduire à quelque chose de pathologique. Il est inclus dans l’ensemble de la société. Et plus encore, il est une clé pour le progrès. Lorsqu’on met en place des systèmes de compensation du handicap, ils servent à tous. Par exemple, faciliter la montée dans un bus simplifie les choses pour tout le monde." 

Ryadh Sallem, triple champion européen de basket fauteuil et champion de rugby-fauteuil,


Que la différence  vise le fonctionnement physique ou intellectuel, c'est le même combat, et les aménagements à l'école ou au boulot pour les personnes hyperactives comme pour les personnes en chaise roulante pourraient bénéficier à tout le monde.



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Le TDAH au boulot ^^

Je dirais aussi que le revenu universel est un projet qui éroderait grandement le mal-être des personnes atypiques car cela leur offrirait une plus grande marge de manoeuvre pour se trouver ou se créer une occupation professionnelle qui leur convient. La pression de l'agenda (il faut savoir marcher à tel âge, savoir parler à tel âge, avoir tel diplôme à tel âge...), de trouver et de garder un emploi - n'importe quel emploi - doublée de la stigmatisation des "non productifs", est aussi toxique que celle d'avoir de bons résultats scolaires alors qui ni l'un, ni l'autre n'est révélateur de l'intelligence et des compétences de la personne.
De plus, cela permettrait aux parents d'enfants atypiques d'avoir une vie bien plus saine, avec moins de tension. 
Moins de mal-être => plus de diversité => plus de productivité => économies à tous les niveaux, y compris la Sécu.

Ah, mais on vendra moins d'antidépresseurs et d’anxiolytiques, et surtout moins de Rilatine et Cie...


Pour en revenir au lexique

"La déficience nous rappelle la fragilité de notre propre enveloppe corporelle. Elle renvoie aussi à notre fantasme d’être parfait, sans défaut, comme si c’était de l’ordre du possible.

La différence nous renvoit à la peur de l’autre, de l’inconnu

L’incapacité n’est jamais qu’une question de valeurs. La société en général voit le handicap avant tout en terme d’incapacité : la personne à mobilité réduite, l’aveugle, le déficient mental etc. S’il est logique de cerner une personne par rapport à des caractéristiques évidentes et importantes, cela réduit non seulement la personne porteuse de déficience à une étiquette étriquée, mais cela n’ouvre pas la voie à la reconnaissance de tant d’autres facultés." 

[https://www.plateformeannoncehandicap.be/professionnel/handicap-societe/le-sens-du-handicap-dans-notre-societe/

Enfin, le trouble vient de la peur - encore - du chaos et du désordre que l'on imagine plus difficiles à exploiter ou à gérer. Ainsi, lorsqu'on jette un pavé dans une mare d'eau plane, ça éclabousse, ça fait remonter la vase, ça fait des vagues et ça dérange.
L'eau devient trouble et imbuvable. On ne voit plus le fond. L'image est parlante, non ?


Et je terminerai avec les mots du Joker, parfaitement adaptables dans le cas des atypiques, bien que je m'indigne contre la notion de maladie mentale : 

"Le pire, quand tu souffres d'une maladie mentale, c'est que les gens s'attendent à ce que tu te comportes comme si ce n'était pas le cas."



FLB








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