Chroniques d'une "hyper"

Puisque l'écriture est mon médium artistique favori, j'ai conçu ce blog pour partager mes réflexions et expériences car tout, chez moi, est "hyper" : l'activité cérébrale, les émotions, les sens, la perception, l'empathie, l'intuition... Diagnostiquée TDA(H), puis Asperger et HP à l'aube de mes 50 ans, j'explore ces étiquettes et j'exprime mes découvertes et ressentis..

dimanche 6 février 2022

Au secours, c'est le week-end !

Oui, il faut l'admettre : d'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu cette impression d'observer mon entourage depuis l'extérieur, à travers une vitre, de les étudier, presque comme le ferait un anthropologue, tentant de les comprendre, de donner un sens à leur vie, et conséquemment à la mienne, à leur croyances, leurs organisations, leurs institutions, leurs systèmes, leurs codes... De chercher une causalité à la destruction qu'ils semaient, souvent sans s'en rendre compte, une raison au déni qu'ils cultivaient, à leur hypocrisie, à leurs artifices...

À l'adolescence (on m'a relativement foutu la paix durant mon enfance, tout est parti en vrille vers 11 ans), alors que je me rapprochais inéluctablement du monde des adultes, que je craignais, j'ai vécu avec la peur au ventre, sans cesse en alerte, hyper-consciente de tout et surtout de ma différence sans vraiment pouvoir la définir. 

J'en ai parlé dans d'autres articles. 


La religion (j'y suis née, ce n'était pas un choix) m'a cadrée. C'est le mot. L'idéologie est très pratique pour celui qui se renie, qui désire se cadenasser sans avoir à se comprendre. Le radicalisme est le refuge idéal de ceux qui sont terrorisés par eux-mêmes. Je le sais, j'en étais !

Mais j'en suis sortie, Dieu merci (si j'ose dire ^^).

Depuis, j'apprends à me reconnecter à moi-même, à me déconditionner.  J'essaie de ne plus systématiquement m'inhiber, mais le sentiment d'inadéquation demeure, car la normalité, ou plutôt la majorité adaptée, est hermétique, cimentée. 

Je dois en outre lutter pour ne pas sombrer dans le mépris. Pas que je me sentes supérieure, non, car j'abhorre toute hiérarchisation et je ne crois plus à une quelconque perfection, ni à l'élitisme, ni à l'autorité, ni au mérite, d'ailleurs. Ma vision des choses est résolument horizontale. Je sais que je ne sais rien, que je connecte au fur et à mesure, que tout est complexe. Je ne me crois pas du tout éminente dans quelque domaine que ce soit. Cependant, j'ai souvent le sentiment d'être le seul adulte dans une cours de récré ! Et cela depuis l'enfance, même alors que je préférais traîner avec les adultes parce que je trouvais les jeunes de mon âge débiles et bruyants. 

Ce qui m'effare le plus est l'insensibilité et aveuglement généralisés. On parle des hypersensibles comme s'ils étaient atteints d'un handicap ou d'une faiblesse, mais j'ai plus l'impression que la société est alignée sur une fréquence hyposensible. Bon sang, si seulement ils cessaient de faire du bruit avec leurs machines et leur technologie et leurs divertissements, ils entendraient peut-être la voix de la sagesse, de leur intuition. S'ils pouvaient cesser de s'agiter pour gagner leur vie ou la réussir, chacun pour soi, ils pourraient enfin la vivre ensemble (et je dis "ensemble" en pensant à toutes les espèces). S'ils cessaient de vouloir à tout prix s'adapter à un monde artificiel et faux, ils comprendraient la nature, leur nature. S'ils cessaient de croire, ils verraient enfin la réalité...

Mais je pense que la réalité n'intéresse plus personne. Ils préfèrent croire qu'elle n'existe pas, qu'il n'y a que des perceptions de la réalité. 

Mais non, je dramatise, sans doute, je généralise, je fais du sentimentalisme, je manque de logique, je tombe dans le manichéisme, je projette mes traumas, je fais ma "drama queen", je suis négative, etc. 

Alors je la boucle. Merde. Débrouillez-vous avec votre bordel, bande d'autruches écervelées, mais ne m'obligez pas à en faire partie !

J'accepte l'étiquette de handicap puisqu'elle me permet de ne pas devoir fonctionner dans ce système pourri soi-disant collectivement consenti.


À force de se frapper le font et de secouer la tête, on devient misanthrope.

Et on commence à établir une ligne de conduite visant à se préserver.

  • Éviter les écoles, surtout à l'heure de l'entrée et de la sortie. Dans les articles précédents, vous comprendrez pourquoi.
  • Ne se plonger dans les centres urbains et commerciaux que les jours où l'on est suffisamment équipé : la bonne dose d'énergie, les vêtements dans lesquels on se sent bien, le mental préparé, les sens blindés, casque sur les oreilles + lunettes solaires au besoin. Ne JAMAIS se forcer. Car tout est toxique, dans une ville, dans un supermarché : le trafic ; la pollution (y compris la pollution sonore et lumineuse) ; la promiscuité et le surnombre ; la compétition tacite issue de la comparaison, des classes sociales, des modes et du consumérisme ; la proximité des prédateurs·trices de tous poils, produits du capitalisme et/ou du patriarcat, qui se fondent dans la masse ; la mendicité, les sentiments qu'elle instille en moi, la cruelle indifférences des passants, les marques de répressions sociales, etc. enfin, tout ! Alors, il faut prendre l'antidote mental du détachement, accepter de jouer un rôle passe-partout, et prévoir une tactique de repli facile en cas de surcharge sensorielle et émotionnelle.
  • Et le week-end, on se planque !

Ah, le week-end... J'ai horreur du week-end. Tout le monde est dehors. Il n'y a plus moyen de se promener sans croiser joggeurs, marcheurs norvégiens, cyclistes, amoureux, promeneurs de chiens, familles... (et il faut se taper les parents, les surprotecteurs, les gueulant, les négligeant, pfff... Mais quelques enfants heureux, aussi, ça c'est chouette !). 

Le week-end, c'est le moment du loisir. Chez nous, le loisir est le droit du travailleur. 

Le week-end, la nature est réduite à une zone de loisir que les travailleurs en congé se partagent.  







Le week-end, il y a les matches de foot, au village. Le vent m'amène malgré lui les cris de ce public. Oui, les adeptes du foot sont des gens très bruyants, ce n'est pas un stéréotype, c'est un fait. Je les évite, les adeptes du foot. L'autre samedi, j'ai eu le malheur de sortir mon chien au moment où le match du coin se terminait. S'est déversée sur les chemins une horde de supporters enivrés d'adrénaline et de bière au point que l'air m'irritait à 50 m de distance. Je me suis enfuie ! je suis retournée m'enfermer chez moi. Dommage, il faisait beau...

Le week-end, on entend les fusils tonner dans le bois du comte. Des meurtres en série ont lieu à trois kilomètres de chez moi, en toute impunité. Les gens dévorent la nature, la bétonnent, ils spéculent, se l'achètent et se la vendent, et puis ils disent qu'ils doivent "réguler" les animaux qui restent dans les lambeaux. Chaque claquement de fusil me tue un peu. Je ressens la terreur, la détresse, l'impuissance des êtres chassés, l'injustice et le mensonge de la "régulation". Le gaspillage de vie et de mort me rend malade. J'encaisse l'arrogance et la bêtise humaine tel un coup de poing dans le ventre à chaque coup de feu.

Le week-end, c'est le chaos. En semaine, j'ai des repères, je peux me faufiler entre les heures de pointe, les horaires des voisins, des écoles et des magasins. Par contre, le week-end est imprévisible. Je peux tomber à tout moment sur une foule de randonneurs, une troupe de scouts, un mariage tonitruant, un essaim de cyclotouristes...

Il y a beaucoup de gens biens et sympas, évidemment, dans le tas, mais les organisations et institutions dans lesquelles ils s'inscrivent me foutent les jetons. En groupes organisés selon les normes de notre civilisation, les humains me terrorisent. C'est le cas depuis l'enfance. Les mouvements de jeunesse m'ont toujours fait flipper. Les réunions, séminaires et formations, messes et autres groupements contiennent trop de fausseté niée, d'émotions refoulées, de hiérarchie nauséabonde, d'activités inutiles, insensées et superficielles souvent obligatoires, de cette violence ordinaire inhérente à tout ce qui est quelque peu institutionnel. En groupe, l'humain devient faux, opaque, difficile à décoder. 

Je n'arrive pas à voir quelque chose de positif dans la notion de sport et de loisir.  Le travail, lui, notion aussi perverse à mes yeux, ne se voit qu'en semaine, à l'extérieur, et en deux flux : les heures de pointes du matin et du soir. Mais le week-end, le loisir révèle au grand jour et à toute heure l'absurdité de notre société. 

Au secours !


Bref, le week-end, je reste enfermée autant que possible.

Ce monde est fou.

Surtout le week-end ! 



FLB

lundi 9 août 2021

L’insupportable injonction à la sociabilité



L'humain est un animal social, disait déjà Aristote et ne cesse-t-on de rappeler. 

Le solitaire, le taciturne, est considéré avec méfiance. 


Aujourd'hui encore, les affaires sordides que rapportent les médias, celles illustrées dans les films et séries portant sur les "esprits criminels", accentuent le stéréotype de la dangerosité de l'esseulé, de l'asocial, du misanthrope, de l'autiste qui pète un cable quand sa routine est perturbée, du "retardé émotionnel et social" qui vit encore chez sa mère à 30 ans, tous suspects de prédilection en cas de viol, de pédophilie, de tuerie en série, d’étiquettes de sociopathe et de psychopathe, ou simplement qui mettent en péril la fonctionnalité de la sacro-sainte famille nucléaire industrieuse et exemplaire.

Outre ce cliché - carrément mensonger puisque les individus les plus dangereux pour la vie en général sont souvent les plus éminents, populaires et très sociables, et prônant des valeurs familiales bien traditionnelles et une apparence de réussite sociale et professionnelle - les sociologues, psychanalyste et dérivés, historiens et autres philosophes éclairés qui proclament l'inévitable sociabilité de l'humain semblent avoir perdu le sens de la mesure ! 

Ils évoquent les communautés humaines depuis l'âge de pierre, les teintent de notre paradigme (une manie très répandue parmi les penseurs occidentaux), et nous persuadent que même aux époques les plus reculées ou au sein des tribus les plus éloignées de la civilisation, l'esprit de communauté est primordial. L'homme, animal démuni, ne peut survivre que grâce à une organisation sociale (dans laquelle ils incluent l'organisation tribale sans distinguer les structures verticales des horizontales, ni les organisations autour d'un pouvoir centralisé des autres, alors que les codes sociaux, le paradigme et la relation à autrui y sont sensiblement différents). Comme dans le troupeau ou dans la meute, l'individu isolé est condamné à une mort cruelle, et la punition ultime est le bannissement, le rejet par le collectif. 

Je me permets de mettre en lumière l'énorme dissemblance entre : 

  • D'un côté une meute de loups, un troupeau d'antilopes, une famille de singes bonobos, une communauté tribale où tout pouvoir est diffus, cyclique et discontinu - ces groupes restreints vivant dans un environnement naturel rythmé par les saisons, même s'ils disposent de leurs propres codes sociaux et comportementaux, ainsi qu'une hiérarchie impliquant des comportements dominants et agressifs, comme aiment nous le rappeler ceux qui désirent justifier les leurs tout en omettant de préciser, dans nombre de ces exemples, l'absence de domination (différente de "dominance"), de thésaurisation des avoirs et/ou d'exploitation des ressources au-delà d'une génération ! J'aimerais d'ailleurs insister, à ce propos sur le fait que la violence est inhérente à la vie. On ne peut l'abolir sans y avoir recours. La régulation au sein des écosystèmes n'est pas exempte de violence. Les mâles s'affrontent, les prédateurs tuent les proies, etc. Les guerres tribales, souvent évoquée pour opposer le barbare impulsif au civilisé stoïcien ou pour appuyer l'inéluctable compétitivité dans toute organisation sociale, s'alignaient spirituellement et pragmatiquement sur cette dynamique tout en confinant la violence à un lieu géographique et une conjoncture, et même dans certains cas à une saison. Mais la violence du pouvoir ne sert aucune dynamique écosystémique (quoiqu'on aime nous le faire croire) : elle sert l'établissement et la pérennité de l'institution ou de l'entité au pouvoir, et ses guerres ne servent qu'à son propre accroissement ;
  • De l'autre côté la société humaine citadine sédentaire dans un contexte urbain territorial et politique à la cadence totalement artificielle (indépendante des rythmes saisonniers, par exemple), aux codes sociaux et obligations civiles démultipliés, aux besoins fabriqués (par les marchés), aux stéréotypes culturels stricts (à la place d'archétypes), aux bruits industriels agressifs et constants, aux notions de valeur, de réussite, de travail (marché de l'emploi) et de divertissement (également des marchés), aux incitations et excitations exponentielles dans un milieu scolaire ou professionnel hiérarchisé de plusieurs centaines d'individus, voire des milliers dans des lieux restreints, contraints, patrimoniaux, une société qui impute des identités, ou plutôt des sentiments d'appartenance, liées à une catégorisation verticale en rapport avec l'occupation et la possession (les études, le métier, la classe sociale, le patrimoine), voire les croyances (la religion).








Justifier l'adaptation de l'humain au paradigme de la civilisation industrielle par la comparaison avec des communautés primaires tient carrément de la propagande, une méthode de persuasion similaire à celle des religions monothéistes qui nourrissent leur idéologie et dogmes en puisant allègrement dans les anciens mythes païens, se dotant de racines originelles, essentielles, primordiales et séculaires, se rendant inévitables autant que fondamentales.

Pour rappel, notre société impose une pollution environnementale extrême et constante : 

  • pollution sensorielle (les bruits industriels, mécaniques, motorisés, médiatiques, les odeurs associées, la vigilance visuelle en voiture, en bus, à pied, la lumière artificielle et les écrans, les ondes électromagnétiques, etc.) ; 
  • pollution émotionnelle (la promiscuité sociale accrue, les médias sensationnalistes, le marketing, les pressions de réussite et de comparaison compétitive, et une l'éducation visant la fonctionnalité, sans initiation (connaissance de soi et de la vie);
  • pollution intellectuelle (l'école et nombre d'emplois ne stimulent que cette partie de d'intelligence et selon une seule méthode, un seul type de pensée);
  • pollution physique par les aliments frelatés, les horaires imposés hors des rythmes biologiques et naturels depuis la petite enfance, toutes les formes de stress continu, et car l'individu puise de toute façon dans les ressources de son métabolisme ;
  • Sans parler de la pollution spirituelle instiguée par les religions (officielles ou non), le développement personnel, les croyances et superstitions New Age (tout cela souvent aussi inclus dans des marchés ou des entreprises individuelles). 

Le sensible (ou l'hypersensible dans sa version pathologisée) ne peut s’empêcher de désirer s'écarter de cet enfer grouillant, bruyant, puant et illégitimement exigeant, et de prendre de la distance. Il ne s'y sent pas seulement en danger, il l'est véritablement ! L'impitoyable étroitesse de la norme l'en culpabilisera : l'absence d'attrait pour une vie sociale active est un signe de dépression, de trouble, et un danger pour l'individu comme pour le collectif.

Encore une fois, la classe sociale nuancera le propos, car les gens aisés disposent souvent d'un plus grand espace de vie avec moins d'individus au mètre carré, d'une plus grande autonomie, dignité et liberté, d'un accès à la propriété (sécurité), donc à des lieux plus calmes où la sollicitation est amenuisée, et d'une atténuation de certaines des pollutions mentionnées plus haut.

Parce que ce contexte urbain industriel socio-économique est le produit de l'humain, on s'imagine qu'il peut forcément s'y adapter, ce qui est complètement faux !

L'adaptation à un environnement naturel, notre région, son écosystème, son climat, et à la communauté familiale qui y vit, au sein de laquelle nous naissons est une nécessité tacite et légitime. 

L'adaptation à l'environnement artificiel tel que celui qui nous est imposé au sein de notre civilisation s'apparente plus à de la domestication. 

C'est du management de ressources humaines à tous les âges et à tous les niveaux.


Quoi qu'il en soit, notre rapport à nous-même et à l'autre est ainsi conditionné par la norme d'une vie sociale d'autant plus perverse que son contexte culturel et matériel est intense, terriblement agressif, malsain pour l'organisme vivant et sensible, structuré autour d'un pouvoir, mû par des marchés, et non par la vie, soumis à une souveraineté économique. Et pourtant, l'humain doit s'y conformer sous peine de perdre dignité, légitimité et crédibilité.

La vérité, c'est que l'individu asocial n'est pas utilisable. Il ne sert à rien au collectif (au Capital, plutôt). Ne serait-ce pas la raison inavouée de sa péjoration ? 

L'asocial atypique est souvent moins ambitieux, donc il produit, consomme et dépense moins. Il échappe aux opérations de marketing. En retrait, il ne participe pas à l'hystérie collective ni au PIB. Il est moins contrôlable, aussi.

Intéressons-nous au milieu parallèle dans lequel j'ai grandi, un milieu religieux aux valeurs sociales importantes, aux stéréotypes étroits et dont la structure autant que le fonctionnement sont quasi corporatifs. Les activités en communauté sont requises et nombreuses, en une sorte d'hyperactivité de groupe, chronophage et énergivore (réunions diverses, cours et classes, comités et organisations, séminaires et retraites, BBQ et fêtes) et même addictives pour certains (infantilisation, dépendance affective, ou besoin égotique d'acquérir de l'importance au sein du groupe). Les participants sont souvent divisés selon l'âge, le degré d'ancienneté ou le niveau de "spiritualité". 

Celui qui se tient à l'écart inquiète. Il doit être "ramené dans le troupeau". La raison n'est pas bienveillante, bien qu'elle s'en donne la couleur et qu'elle emprunte un modèle inclusif. 

D'abord, le martelage des croyances, la sujétion de l'individu à une idéologie ou une culture - puisque les religions comme les corporations sont aujourd'hui des "cultures" au même titre que les traditions régionales ancestrales - n'est pas une affaire individuelle. Elle réclame une dynamique grégaire. 

Ensuite, toute organisation structurée selon le prototype du pouvoir centralisé est allergique aux électrons libres. Elle les voient comme des menaces potentielles. Non "martelé", le rouage isolé se met à tourner dans le vide (penser par lui-même).


Dans la religion en question, le manque de régularité dans la participation peut provoquer "la perte du St Esprit" et conséquemment, la perte d'une guidance et d'une protection divine ainsi que des promesses de prospérité post-mortem. La culpabilisation et la peur d'être séparé de Dieu (de ne plus être digne de l'amour du père) est un moyen de sujétion efficace.

D'ailleurs, un membre qui s'éloigne de cette hyperactivité requise est appelé "inactif", comme s'il était soudain amorphe, éteint. Si sa vie se déroule ailleurs que dans le troupeau et d'une autre manière que celle préconisée par le modèle dogmatique, alors elle ne vaut rien, elle n'est pas reconnue.

J'y vois une similitude dans la société où l'absence d'allant social est un trouble ou une pathologie. La notion de handicap échoit à "l'inactif" : le dysfonctionnement rend l'individu improductif et inutilisable. Un rouage brisé qui gêne l'engrenage. L'État est structuré sur le même prototype et fondé sur des valeurs similaires à une organisation religieuse monothéiste, une variation sur un même thème selon la tendance politique, avec un différent lexique.

Ne me comprenez pas mal : il existe bel et bien des troubles et des pathologies. Je ne nie pas les maladies mentales et leur problématique. Je me demande simplement si la majorité d'entre elles ne sont pas une conséquence de la société, de ses normes, croyances sociales et fonctionnements nocifs à l'organisme autant qu'à l'esprit (à la vie en général), comme je l'ai expliqué plus haut. Les maladies mentales (et nombres de maladies physiques) seraient un symptômes d'une pathologie civilisationnelle plutôt qu'une divergence ou d'un dysfonctionnement individuel. N'y aurait-il pas un déni ou une inversion des causalités ?

Je n'attaque ni n'accuse personne, dans cet article, mais que je remets en cause le paradigme civilisationnel et le fait que s'y adapter, c'est empêcher qu'il change. La réalité, c'est que les personne neurotypiques s'y adaptent plus facilement et en souffrent moins, mais je pense avoir précisé que tous, dans nos différences, souffrons de la civilisation industrielle. Il est temps qu'au lieu de vouloir "soigner" les gens en souffrance, on commence à adresser les causes de cette souffrance et à changer les choses. Je reproche à la psychanalyse et la psychiatrie d'être majoritairement responsables du maintient de ce status-quo.

La stigmatisation et la culpabilisation du solitaire, de l'asocial, s'inscrit donc dans une violence culturelle inouïe !  

Combien de fois, lors d'une séance thérapeutique, personnelle ou en tant que parent (puisque mon fils étiqueté hypersensible, HPI, "Dys", souffre d'une phobie sociale), n'ai-je pas entendu ces questions : avez-vous des amis ? Sortez-vous en compagnie d'amis ? avez-vous des activités en groupe ? 

Les réponses à ces questions servent de jauges permettant de classifier le trouble social du patient. Certains psychanalystes ont surfé allègrement sur cette notion de collectif sacré. Alfred Adler, anthropocentriste, esclavagiste et suprématiste invétéré, père de la psychologie individuelle qui, fidèle au judéo-christianisme, renvoie les problèmes comportementaux à la responsabilité individuelle en ignorant les causalités paradigmatiques, les conditionnements civilisationnels, et dédouanant les violences institutionnelles. Peu connu en France, bien plus populaire aux États-Unis - quand on y constate la propension évangélique associée à une culture du travail et au "rêve américain", on comprend pourquoi - un institut lui est tout de même entièrement dédié à Paris.

Adler a déclaré que "l’individu qui ne s’intéresse pas à ses semblables rencontre le plus de difficultés dans l’existence et est le plus nuisible à la société. C’est parmi de tels êtres qu’on trouve le plus grand nombre de ratés." 

Voici quelques extraits du livre "Le sens de la vie", d'Alfred Adler, qui démontrent à quel point tant que ce genre de pensée trouve des adeptes et est enseignée, nous ne sommes pas près de sortir de notre paradigme patriarcal et paternaliste, d'exploitation par le travail assujetti à l'économie, et monothéiste (dans le sens pouvoir centralisé, domination institutionnelle) : 

[…] trois problèmes nous sont imposés d'une façon irrévocable : l'attitude envers nos semblables, la profession, l'amour. Tous les trois, reliés entre eux par le premier, ne sont pas des devoirs fortuits mais inévitables. Ils résultent du comportement de l'individu envers la société humaine, envers les facteurs cosmiques et envers l'autre sexe. De leur solution dépend le sort de l'humanité et son bien-être. [...]

[...] Les qualités suivantes qui doivent indiquer un degré suffisant de sentiment social :

  • avoir prouvé que l'on sait garder des amitiés ;
  • que l'on est capable de s'intéresser à son travail ;
  • que l'on porte plus d'intérêt à son partenaire qu'à soi-même. [...]

[...] Des traits de caractère tels que l'anxiété, la timidité, le côté taciturne, le pessimisme, caractérisent un contact depuis longtemps insuffisant avec les autres et se renforcent sensiblement en cas d'épreuve sévère imposée par le sort; ils se manifestent dans la névrose par exemple comme des symptômes morbides plus ou moins marqués. Ceci s'applique aussi de façon frappante au dynamisme ralenti de l'individu qui est toujours en retard, à une distance appréciable du problème auquel il est confronté. Cette prédilection pour l'arrière-plan de la vie est renforcée par la manière de penser et d'argumenter de l'individu, parfois aussi par des idées obsessionnelles ou par des sentiments de culpabilité stériles. On comprendra facilement que ce ne sont pas les sentiments de culpabilité qui amènent l'individu à se dérober au problème qui se pose à lui, mais que c'est l'insuffisance d'inclination et de préparation de sa personnalité en entier qui lui font se servir de ces sentiments de culpabilité pour empêcher tout progrès. […] Le fait, aussi, que chaque être humain, lorsqu'il se tourne sur son passé, voudrait revenir sur bien des faits pour les changer, sert à ces individus de bon prétexte pour ne pas collaborer. [...]

Le prétexte pour pas collaborer... Quelle violence, quel mépris dans ces propos !

Bon sang, ils ont tellement peur de ceux qui ne collaborent pas, qui ne se laissent pas domestiquer (ou coloniser, d'un point de vue indigène), qui ne s'insèrent pas dans la masse des travailleurs/consommateurs et ne se mettent pas au service de l'économie ! Pourtant, ne pas collaborer à cette civilisation polluante et perverse est le seul moyen de rester un tant soi peu humain dans le sens naturel du terme !

Cette culture du travail est déshumanisante au possible : à la base, l'humain ne doit travailler que pour assurer directement sa subsistance (et non son développement). Si l'entreprise a besoin du travail humain pour se maintenir (car elle, elle doit se développer, croissance oblige), alors elle relève de l'exploitation : elle est une entité abstraite (comme l'Église) qu'on imagine au service de la société mais qui, au contraire, l'utilise. Et pour l'utiliser, elle doit le gérer (management) L'humain employé (outil, ressource) au fonctionnement d'un système plutôt que pour sa propre vie sera toujours en souffrance, plus ou moins selon les sensibilités, et en recherche de sens. Ce qui, à cause de la déconnexion d'avec sa propre existence et la vie en générale, le mène souvent vers des idéologies religieuses et politiques pour justifier le système d'exploitation dont il est devenu dépendant, ayant été privé de toute autonomie et noyé par des pseudo-besoins fabriqués pour soutenir des marchés et leurs profits.

Économie Vs Écologie...

Selon Adler et ses pair, les gens comme moi feraient mieux d'avaler des médicaments inhibant leur hypersensibilité et camouflant les angoisses provoquées par le contexte socio-économique, les pressions de productivité autant que de consommation typiques de notre époque et appartenant à notre seule civilisation mais considérées comme incontournables et inévitables, et me voir mener une vie sociale normale aux dépens de mes besoins, inclinations et capacités. Ça rassurerait le collectif. Ils appelleraient ça une réhabilitation, une aide à l'adaptation, et se targueraient d'être inclusifs.

Pourtant, après une vie de "forcing", de coups de pied au cul, la plupart auto-infligés pour éviter d'inquiéter mon entourage et de dénoter dans mon milieu, je suis abîmée au-delà de toute réhabilitation. Épuisée. Vidée. Usée. 





Alors non ! Une vie sociale active, dans le contexte actuel, n'est pas forcément un signe de bonne santé mentale et physique ! 

Le respect de la personne, la reconnaissance de la diversité des sensibilités et des besoins affectifs et sociaux, la reconnaissance de l'importance d'un environnement naturel sain souvent inaccessible, exige qu'on élargisse la norme et qu'on adoucisse les codes sociaux. 

Ou encore mieux : qu'on réduise les sollicitations sociales et sensorielles, les obligations d'activités, de productivité, de compétitivité, de rendement et de consommation. Là, déjà, hors du système d'exploitation, je suis persuadée que le nombre de troubles et de pathologies dites "sociales" diminueraient en une seule génération !


FLB





vendredi 2 avril 2021

Un diagnostic nous met-il dans une "case" ?

On parle souvent de "mettre des gens dans des cases". Classifier les gens de la sorte est une mauvaise choses, je l'accorde. C'est de la ségrégation.

Mais depuis que j'ai mon diagnostic d'Asperger, on me dit souvent que je ne devrais pas me mettre dans une case. Et là, je ne suis pas trop d'accord. Je ne vois pas le diagnostic comme une case ou un tiroir ou comme quelque chose de négatif. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.


Je viens d'avoir sous sous les yeux une lettre qui m'était adressée de la part de mon papa, décédé il y a quelques mois. Il aurait eu 94 ans hier.

Cette lettre m'a fait réfléchir. 

J'avais déjà 45 ans quand j'ai entamé mon propre cheminement, et je m'estime très chanceuse, même si j'ai dû toucher le font pour m'y engager et qu'il m'a menée sur un sentier de marginalité. Le point de départ, vous le connaissez déjà si vous avez lu les articles précédents : un burnout suivi d'un déconditionnement avec diverses phases, suivi d'un diagnostic de TDA (H), puis d'Asperger lissé par un HP.

Au cours de ce diagnostic (qui est un processus, pas un événement, avec maintes consultations et tests, et même un séjour en psychiatrie après un énième épuisement), je me suis non seulement comprise, mais j'ai aussi mieux compris mon fils et mon père. 

Mon père, lui, est né entre les deux guerres dans un milieu pauvre. Il a grandi à une époque où l'on ne parlait pas d'autisme ni d'intelligence atypique, où il n'y avait pas de logopèdes, pas de psychologues dans les écoles, où l'étroitesse de la normalité n'était pas remise en question. 

De plus, il avait 13 ans quand sa ville natale fut bombardée en 1940. Il a ensuite vécu la guerre, puis la résistance, des années durant lesquelles il n'a pas pu s'attarder sur sa différence (dont il était pourtant conscient depuis ses primaires). Ses stratégies de survie se sont assimilées aux stratégies du combat qu'il menait contre un ennemi bien réel, identifiable par un uniforme, une langue, un drapeau. 

Après la guerre, son ennemi ne fut autre que lui-même. Sa résistance, il l'a tournée contre son hypersensiblité et sa façon atypique d'appréhender le monde. Autodidacte, il s'est servi de sa brillante intelligence et de son opiniâtreté pour se forger une vie correcte, quoique sans doute pas assez stable à ses yeux, à jongler entre l'être et le paraître.

Jusqu'au jour où des américains ont présenté une religion qui lui offrait sur un plateau une idéologie salutaire tout en divergeant de la culture catho mainstream qu'il abhorrait. Mon père a vu dans le stoïcisme chrétien, dans la hiérarchie patriarcale, les outils du déni de lui-même et s'y est adonné corps et âme avec le rigorisme et le manichéisme qui convient aux aspies, justifiant son abstinence sexuelle, son rejet des contacts physiques et sociaux, ses intransigeances aux changements qu'il n'avait pas lui-même décidés, ses idées fixes, ses exigences, ses routines, non selon la compréhension et l'acceptation de sa propre nature, mais selon les dogmes et principes religieux

J'ouvre une parenthèse pour m'épancher sur le cliché encore véhiculé que les autistes - dont les Aspergers - manquent d'empathie en général. D'après ce que j'observe depuis que je fréquente d'autres aspies et autistes, c'est loin d'être systématique ! Je remarque au contraire que beaucoup sont doués d'une empathie exacerbée par l'hypersensibilité et accompagnée d'une grande intelligence émotionnelle,  et cependant complètement refoulée. 

Vous trouverez un autre article sur ce blog concernant l'empathie, l'hypersensibilité et la compassion. 

Dans mon enfance, j'ai vite constaté le fossé qui séparait mon ressenti de celui de mes semblables dont je trouvais la sensibilité superficielle et la perception, limitée. J'ai en outre été rabrouée souvent, mes réactions émotionnelles et mon sens extrême de la justice et de l'équité étant taxés de "sensiblerie" ou de propension au dramatique. L'inhibition est la réponse stratégique évidente à ces jugements. Là, j'étais dans une case. Une case à part.

Les enfants vivent dans une totale dépendance des adultes :" Si on ne m'aime pas, on ne me nourrira pas (au sens propre et figuré) et on ne me protégera pas = si on ne m'aime pas, je meurs !" 

Dès lors, les sentiments d'inadéquation et de différence prennent des allures de risques mortels. Plus le milieu d'accueil est rigide, conditionnel et stéréotypé, plus grande est la violence que l'enfant s'inflige pour être conforme et accepté, et davantage si, au départ, ses caractéristiques ou facultés sont hypertrophiées par rapport à la normale. Cette auto-mutilation psychologique est à l'origine des troubles et des souffrances à l'âge adultes.

Nous vivons dans une société où la rationalité relève du matérialisme, où l'indifférence et la dureté sont souvent pris pour de la force de caractère, où l'absence de scrupules mène à la réussite, où les inégalités sociales s'affichent dans une totale indécence, où l'on préfère stigmatiser les individus qu'adresser les violences institutionnelles, et tout cela derrière un paravent de valeurs morales, sociales et humanistes. Les aspies étant très sensibles aux incohérences et à l'hypocrisie, nombreux sont ceux qui s'endurcissent face à cette réalité car dans l'enfance, chaque fois qu'ils la soulèvent verbalement ou dans leur comportement, ils sont rabaissés. 

On considère toujours les enfants comme des pauvres d'esprit. On ne les écoute pas et on ne leur explique rien. On les écarte parce que leur compréhension intuitive est considérée comme immature, inférieure à la raison, primitive, mais ils observent et comprennent néanmoins bien des choses qu'ils doivent interpréter de manière empirique à travers les silences et les tabous. C'est particulièrement vrai pour les atypiques qui observent leur environnement et leurs pairs tels de véritables anthropologues intériorisant leurs constats. Ils y réagissent en amputant leur personnalité de tout ce qui empêche l'approbation des adultes, tout ce qui détonne dans leur milieu.

De surcroît, mon père avait dû bloquer sa grande sensibilité et son empathie devant les horreurs de la guerre, sinon il serait devenu fou. Il s'est construit une forteresse impénétrable autour d'un coeur trop tendre doublé d'une logique éthique très vive.

Plus tard, la religion lui a offert des moyens de se dévouer à des oeuvres charitables, surtout dans l'aide à la jeunesse. Mon père, cet asperger en béton armé, était très empathique, doux et compatissant quand il choisissait de l'être, quand le cadre le justifiait et le préservait d'une image de faiblesse ou des retours de flammes. 

Plusieurs personnes m'ont confié que mon père était le seul à avoir deviné une détresse qu'elles dissimulaient. Il était donc très capable de percevoir ce que ressentaient les gens autour de lui. Son instinct était aiguisé, mais il imposait souvent à son entourage la même dureté qu'il s'imposait à lui-même sous le couvert de l'idéologie religieuse et du stoïcisme judéo-chrétien. Il apparaissait souvent comme antipathique et intransigeant, réputation préférable à la gentillesse dans le monde qui l'avait vu grandir.

Bref, mon père et moi ne nous sommes jamais entendus, en grande partie parce que nous ne nous connaissions pas. Il retrouvait en moi tout ce contre quoi il avait lutté en lui-même, et je voyais dans l'évitement de ses regards, j'entendais dans son silence, que j'étais une constante et profonde déception, la cause d'une angoisse latente. Il me renvoyait un mépris en fait dirigé contre sa propre nature (mais ça, je ne l'ai compris que récemment).

La lettre que j'ai lue après sa mort n'était pas de lui, en réalité. Elle avait été écrite par l'identité qu'il s'était fabriquée au sein de la religion. C'était la lettre d'un "patriarche, d'un fier détenteur de la Prêtrise, d'un fils de Dieu", d'un homme endoctriné qui s'efforçait d'être à l'image d'un poncif divin plutôt que se regarder en face et de s'accueillir, un être qui entretient sa carapace au lieu de grandir à partir de son noyau. Les dernières paroles d'un stéréotype... Jusqu'au bout, il aura évité de se montrer tel quel.

Je ne lui en tiens pas rigueur. Son expérience de vie, dans un tel contexte, fut exemplaire à de nombreux égards ! Qu'elle me serve de leçon : aujourd'hui, je veux me regarder en face et examiner mon propre noyau. Qui suis-je ? 

Aujourd'hui, je le comprends, j'examine nos similitudes, puisque j'ai hérité de son caractère aspie, et je déplore que deux personnes aussi semblables n'aient jamais pu "connecter" ni communiquer.

Ni s'aimer. 

Aujourd'hui, je me demande : et s'il avait su et accepté QUI il était vraiment, quel homme aurait été mon père ? 

Aurait-il pu se trouver grâce un diagnostic, apprendre à se connaitre, s'apprécier plutôt que s'inhiber et se faire violence tous les jours de sa vie ? S'il avait su et accepté QUI il était, me l'aurait-il expliqué ? M'aurait-il aidée à comprendre QUI je suis ? Nous serions-nous reconnus l'un dans l'autre au lieu de nous heurter perpétuellement ?

D'après mon expérience, ces fameuses cases, qu'elles m'aient été annoncées suite à des diagnostics (TDA(H), HP, Asperger...) ou que je les aient choisies durant mon cheminement (au sein de la communauté LGBT+, par exemples), ne sont pas des cages, mais des points de départ ou des sas. Ensuite, il nous reste à apprendre à nous connaître au-delà du diagnostic, une fois que nous avons retrouvé la confiance en notre fonctionnement cognitif. 

"Non, je ne suis pas folle, après tout !"

Les cases marquent les étapes vers la diversité (neuro, bio, d'orientation sentimentale ou de genre) qu'entame une société cadenassée telle que la nôtre, qui se veut absolument homogène tout en étant stratifiée.

Oui, c'est dommage que nombre de ces cases soient encore intégrées dans des pathologies ou des dysfonctionnements, que la découverte et la reconnaissance de soi passent par des évaluations scolaires négatives ou une thérapie, et non des moyens d'explorer sa personnalité à son aise, hors des préjugés. C'est dommage qu'on inverse l'origine des troubles en faisant croire que l'individu souffre de sa nature, alors que c'est l'imperméabilité de l'environnement socio-culturel qui crée la plus grande part du malaise. 

Les personnes non fonctionnelles, non productives, non exploitables, sont fourrées dans le handicap. C'est mieux que de les rassembler dans des camps - ou les exterminer ! - mais ça reste de l'exclusion. L'eugénisme social prend bien des formes et connaît toutes sortes d'applications... La dimension que notre société donne à la notion de handicap est très révélatrice de ses véritables valeurs ! Là, je comprends le danger des cases.

Après des diagnostics, toutefois, même quand ils nous confrontent au handicap, on peut se détendre, se permettre d'être soi. Certains s'y enferment peut-être, mais beaucoup s'y développent et finissent par les dépasser, ou les transcender, par entamer un cheminement vers eux-mêmes hors des stéréotypes, et donc vers l'autre.

Aussi, je remarque que les individus qui apprennent à se connaître eux-mêmes, qui apprennent à se tolérer tel quel, apprennent du même coup à connaître les autres, ne fût-ce que par l'exploration de leur différence. Celui qui arrive à être plus tolérant avec lui-même l'est aussi avec autrui. Les pires radicaux, les plus hargneux, sont ceux qui sont en total déni d'eux-mêmes. On le voit avec les homophobes, les bigots, les haineux. 

Si mon père avait eu une telle "case" pour s'explorer et comprendre sa véritable nature, il n'aurait peut-être pas eu besoin de se dissimuler sous un masque religieux, ni porter un corset de janséniste.

L'importance du diagnostic en tant qu'adulte est largement sous estimée parce qu'on se dit que si la personne a pu tenir le coup jusque là, c'est que ça va. Mais un diagnostic tardif signifie un masque forgé dans l'enfance et porté durant de longues années. Il implique un épuisement causé par la surcompensation, et des troubles associés aux efforts de camouflage (dépression, troubles anxieux, etc), sans compter la colère, le cynisme, l'amertume, la frustration...

Bref, un diagnostic adulte n'est pas qu'une case qui enferme ou une étiquette qui limite, et n'a pas moins d'importance parce que la personne a déjà un certain vécu. Bien au contraire !

Paradoxe : nous déplorons les cases de la diversité tandis que les usines à clones que sont le religions organisées et idéologies politiques ne nous dérangent pas ?! Devenues identité culturelle, les religions sont intouchables, et aujourd'hui la liberté religieuse pousse le bouchon jusqu'à réclamer le droit à la discrimination. Mais oui, inquiétez-vous de la neurodiversité qui met les gens dans des cases...

La case conséquente au diagnostic m'a aidée à trouver des semblables. Je ne suis pas folle, après tout, ni seule. J'ai découvert des groupes de soutien, des histoires similaires à la mienne. Bon sang, ça fait un bien fou ! Et ça m'a aidée à sortir de la colère. 

On voit d'ailleurs ces cases et ces étiquettes se démultiplier, autant dans la communauté LGBT+ que dans le domaine de la neurodiversité (merci aux neurosciences qui viennent contrebalancer la psychiatrie), parce que dans une même case, dans une même tribu, si j'ose dire, chacun est unique et se donne la permission d'exister tel quel.

La multiplication des cases nous force donc à déployer une vision en spectre plutôt qu'en tiroirs.


Les nouvelles cases de créent pas la ségrégation ni le sectarisme, ceux-ci existent depuis des lustres ! Elles ouvrent le spectre, et l'avantage du spectre issu de la multiplication des cases (que permettent les diagnostics, d'où leur importance), c'est qu'il est horizontal et non hiérarchique !

Le spectrum étant plus fluide, il pourrait bien nous libérer de la dichotomie (normalité Vs différence, fonctionnement Vs dysfonctionnement), nous aider à prendre conscience de l'importance de la diversité et commencer à mettre en oeuvre des actions concrètes en sa faveur.

Il ne s'agirait alors plus d'exclusion ni d'inclusion, mais d'harmonie.

Savoir où l'on se situe sur le spectre, apprendre à se connaître et à se respecter, à connaître et respecter autrui...

Le début d'une évolution positive de la société ?


FLB



 







mardi 3 novembre 2020

Où trouver sa tribu ?

"We are all connected at one point"
illustration numérique de Maria Rome (2018), Canada


Je cherchais les membres de ma tribu parmi les artistes, me disant qu’une personne capable de saisir, d’interpréter et de représenter la beauté du monde, le mouvement de la vie, de discerner la réalité derrière les trompe-l’œil et de l’exprimer indirectement en usant de couleurs, de notes, de mots, a forcément été puiser en-deçà du monde physique, là où s’épanouit l’intuition, l’empathie, les sens et les émotions, au niveau de l’énergie vitale avant qu’elle soit piégée en matière. Je ne peux qu’imaginer que cette personne, à chaque voyage à travers sa créativité, touche à l’essentiel et en revient bouleversée, sublimée, édifiée.

Et je me prends une claque magistrale parce que la démarche créative, quoique qualitative, peut très bien se confiner à l’intellect, s’en tenir à la technique sans pourtant perdre en originalité, et ne pas forcément signifier une plongée dans l’être sensible.

J’ai commis la même erreur en m’impliquant dans le milieu LGBT, croyant naïvement que pour s’affirmer et vivre en toute intégrité avec soi-même, il fallait rejoindre une dimension sous les apparences, sous le physique, là où tout est UN, là où UN est diversité, et puis agir en accordance avec cette conscientisation.
Là encore, je me suis prise la réalité comme on se prend une porte vitrée en pleine face. BANG !
Les esprits libérés et affirmés peuvent rester petits et mesquins, et les personnalités se réclamant de la diversité se contenter d’un entendement épidermique.

La démarche identitaire n’est pas plus systématiquement profonde que la démarche artistique parce qu’elle demeure égocentrée, déconnectée du réseau sensible collectif, et qu’elle doit exister dans un milieu concurrentiel, matérialiste et commercial.
L’inhibition et le déni de soi auquel on nous conditionne depuis l’école, et même depuis la crèche – celle qu’on met sous le sapin autant que celle où l’on fourgue les nourrissons – et cette vision hiérarchique, cette verticalité de la relation, sont à présent inscrits dans notre ADN, semble-t-il.

Notre développement est isolé, il est devenu strictement individuel et marqué par la compétitivité. Quelle que soit la porte choisie pour se faire une place identitaire dans la société, elle débouchera sur des escaliers à gravir par crainte de les dégringoler. Toute relation nous met face à deux alternatives : être supérieur à l’autre ou lui être inférieur.
Mais dans mon incorrigible candeur, je ne peux m’empêcher d’espérer, à chaque rencontre, me retrouver devant un égal, désarmé et authentique – ou qui, du moins, aspire à l’être ; un humain intègre connecté au vivant, et surtout dénué d’ambitions.

Quelqu’un qui relèverait de ce que Victor Hugo appelait « les cœurs sans stratagèmes ».
Je trouverai peut-être mon bonheur du côté des neuro-atypiques ?

À suivre...



FLB


mardi 23 juin 2020

Quatre choses à ne plus dire aux personnes hypersensibles


Hypersensibilité : rappel


L'hypersensibilité, en psychologie, est une sensibilité plus haute que la moyenne, provisoirement ou durablement, pouvant être vécue avec difficulté par la personne concernée ou perçue comme «exagérée », voire «extrême », par son entourage.

L'hypersensibilité est un trait de personnalité que l'on retrouve souvent, mais pas exclusivement ni uniformément, chez les personnes reprises sous l'étiquetage pathologique de différents troubles : de l'attention, de l'anxiété, trouble bipolaire, trouble de stress post-traumatique, et à l'intelligence atypique.
Là aussi, la diversité est de mise, car être "hyper" comprend un ensemble de facultés exacerbées de perceptions au-delà des cinq sens. S'y ajoutent, selon les personnalités et les situations, les émotions, l'empathie et l'intuition.
  • L'ouïe, la vue, le toucher, le goût, l'odorat, les sens, peuvent chacun - mais pas forcément tous - être "hyper". Une personne hypersensible sera plus facilement irritée par le bruit ambiant ou par certains sons, plus facilement aveuglée par la lumière, dérangée par des goûts ou des odeurs en particulier. Elle peut aussi être moins tactiles qu'une autre personne, ou avoir une bulle personnelle plus épaisse parce que le moindre toucher provoque une sensation augmentée : douleur, impression d'invasion, excitation sexuelle inopinée... De nombreuses personnes hypersensibles ressentent de la douleur lorsqu'on les chatouille, par exemple, ou elles ont l'impression d'étouffer avec un foulard. Un col roulé provoque de l'oppression respiratoire. Perdre l'un des sens (les yeux bandés, les oreilles bouchées) peut conduire à une attaque de panique, de même que certaines attractions que d'autres trouveraient grisantes mais qui sont tout bonnement épouvantables pour une personne hypersensible (c'est pour cela qu'il ne faut jamais forcer un enfant dans une activité physique à sensation ou se moquer de lui parce qu'il ne veut pas y participer). Comprendre ces phénomènes permet de se protéger en évitant certaines situations et d'empêcher une réaction intempestive ou agressive en cas de stimulation sensorielle prononcée ou récurrente.
Les 5 sens, par l'artiste Philippe Abril
  • Les émotions sont également plus ample et plus vives. Il s'agit d'hyperémotivité : colère, tristesse, joie, frustration, sentiment d'injustice, sentiment amoureux...

  • L'empathie n'est pas exacerbée chez tous les hypersensibles, mais quand c'est le cas, on parle d'hyperempathie. Alors, les émotions d'autrui sont perçues vivement (et il est parfois difficile de les différencier de notre propre ressenti, comme je l'explique dans un article précédent), et cela renforce la difficulté d'être entouré de monde, dans une foule, ou dans une événement social particulier. les personnes hypersensibles et -empathiques ont besoin de s'isoler souvent pour se recentrer, s’apaiser, et ne sont pas particulièrement sociables, d'autant plus que, dans notre société, on cache nos émotions, on porte des masques en public, et la communication est remplie de tabous. Or, une personne empathique va détecter l'incohérence  entre l'apparence, la communication verbale, et le language corporel, le ressenti véritable, et elle en sera déstabilisée, déçue ou meurtrie. 

  • L'intuition, qui fonctionne également par le ressenti, le non linguistique, peut s'ajouter à la liste des facultés "hyper". Une personne très intuitive va souvent sembler irrationnelle dans ses décisions ou réactions, dans sa façon de comprendre et de solutionner.


Tout cela fait des hypersensibles des "hyperhumains", des humains "trop" incarnés, des humains des sens, du corps et du coeur. Cela aurait de nombreux avantages dans une autre culture, une autre civilisation. Ici et présentement, les hypersensibles sont en opposition avec les normes, les fonctionnements, les mentalités, les procédures, la société et ses institutions, ce qui, dans l'incompréhension de l'entourage comme de la personne envers elle-même, génère de la souffrance, de la stigmatisation, une perte de confiance et d'estime de soi, de l'irascibilité, et puis des troubles, des pathologies et du handicap.

Introduction


Ce n'est pas parce que notre civilisation occidentale s'est forgée sur le stoïcisme latin puis judéo-chrétien, sur l'obsession du rationnel, sur des critères comportementaux qui obligent à refouler ce qui est considéré comme pulsions, à porter des masques, à respecter des faux-semblants et des tabous, que c'est la seule manière valable d'ÊTRE ! 

Le rationnel, faut-il le préciser, est un terme qui a émergé au 16è siècle. Il signifiait alors "doué de raison", en parlant de l'âme, et a servi à justifier les génocides et l'esclavage de peuples indigènes dont l'âme était animale, donc dénuée de raison. Le "rationnel" permit également de confirmer que la femme, plus intuitive et émotionnelle, dont cerveau est plus petit, est inférieure à l'homme qui, lui, est "doué de raison". Évidemment, quand on réduit tout au cerveau.... 
Dans un sens secondaire, "rationnel" signifie commode, pratique, fonctionnel (donc dans la norme, qui ne bouleverser rien, utilisable, domesticable).
Aujourd'hui, le rationnel indique un raisonnement logique indépendamment de l'expérience, alors que l'expérience est la base de l'apprentissage ! 

il fut décrété, autant à la période antique qu'à celle dite "des lumières", que la sérénité était indispensable au bon fonctionnement de la société. L'accès à cette sérénité, et conséquemment au bonheur - celui qu'on nous vend comme étant le Graal de l'existence - n'est possible qu'à travers le stoïcisme.
Mais c'est faux ! 
Depuis que j'ai adopté la méditation - non guidée, le jardinage et la randonnée dans mes habitudes d'hygiène de vie, le stoïcisme a perdu son utilité. La sérénité n'est pas incompatible avec la sensibilité et ses expressions. C'est la conscience de ce que l'on vit et de ce que l'on ressent ajoutée à la conscience de l'autre (empathie), et c'est vivre pleinement par le corps (bouger, s'exprimer corporellement, et en communion le reste du vivant), qui amènent la sérénité, c'est l'intuition doublée de conscience qui permet la juste mesure, même à travers les tempêtes émotionnelles, et non la fermeté, la raison, la discipline, la retenue ou refoulement.

Le modèle de société actuel génère énormément de violence artificielle (majoritairement institutionnelle), due à la déconnexion de soi et des cycles naturels, au sédentarisme (immobilisation, absence de contact avec les éléments naturels), au travail (horaires opposés à la biologie, structure du milieu oppressante), au stress financier (devoir gagner sa vie, consumérisme, classes sociales), etc. Cette violence est intériorisée et extrêmement néfaste, et ses moyens d'expression sont limités. On nous admoneste de rester serein dans un tel environnement. C'est la norme. Et d'atteindre le bonheur, par-dessus le marché !
Les artistes et autres marginaux parviennent parfois à extérioriser les tensions internes (en acceptant la pauvreté et l’exclusion sociale) dues à cette violence de déconnexion et d'institutionnalisation de la vie, mais en majorité, cette violence ressort en agressivité, auquel cas c'est l'individu qui est tenu responsable et/ou coupable, et réprimé. 
L'agressivité - extériorisation de la violence (voir cet article ICI) - et ses formes dérivées (radicalisation, phobies, violence domestique) - est un ersatz de "la fuite impossible", quand la civilisation devient une forme d'univers carcéral, un processus de domestication (rendre utilisable), une négation de la vie et de l'énergie que l'on porte en soi.

C'est seulement à l'aube de mes 50 ans, et après maintes recherches, lectures, introspections, analyses, que je comprends comment et pourquoi je fonctionne de la sorte, comment et pourquoi j'en souffre, comment et pourquoi je me suis aussi maladroitement déguisée toute ma vie durant, m'infligeant une violence intérieure qui a fini par se métaboliser en fibromyalgie, en fatigue et dépression chronique.

Hypersensibilité : les quatre réactions à éviter


Ce sont des "phrases qui tuent"  à ne plus utiliser envers les personnes sensibles, mais non plus envers soi-même ^^


1. "Tu exagères !", "Tu en fais tout un drame !"


Une personne hypersensible réagira plus promptement, une personne hyperémotive pleurera plus facilement (au cinéma, à l'écoute d'une chanson, lors d'une conversation...). Une personne hyperempathique va trouver méchant ou cruel un acte qui passe pour du jeu, elle ne va pas adhérer au second degré et sera choquée par le cynisme ou le sarcasme. Toutes ces réactions sont légitimes. Il ne s'agit pas de "théâtre", de comédie, de sensiblerie, d'exagération ni d'une volonté d'attirer l'attention ou la sympathie. 
Au lieu de mettre l'emphase sur l'ampleur du ressenti ou de son expression inhabituelle ou non conforme aux usage, il convient d'apaiser la personne avec bienveillance. "Oui, je comprends. Excuse-moi, je ne le voyais pas comme ça, je n'avais pas perçu cet aspect des choses... Que proposes-tu ? "

2. "Apprends à gérer tes émotions !"


Il faut arrêter de parler de gestion ! Surtout quand on parle d'êtres vivants.
Il ne s'agit pas d'une entreprise, d'économie, ou de ressources humaines ! (Je ne comprends pas pourquoi ce dernier terme ne choque pas davantage de monde).
La gestion a une connotation économique, mais nous ne sommes pas dans le domaine de la marchandise ! 

Regardez par exemple un écosystème. Il se débrouille très bien pour équilibrer son apparent foutoir de diversité. Il suffit qu'un humain aie l'idée de vouloir gérer ça pour que tout devienne problématique. 
Voila l'idée sous-jacente au mot gestion.

C'est un terme moderne associé au management qui a progressivement remplacé ordonnance, ce dernier mot étant précisément associé à un ordre extérieur ou supérieur à soi-même.
Encore une fois, la gestion va du haut vers le bas (foutue hiérarchie) et de l'extérieur (avec condescendance ou dureté) vers l'intérieur. Or, pour ne pas abîmer, la volonté, la maîtrise et la discipline qui mènent à la mesure doivent surgir de l'intérieur, ce qui implique qu'elle doivent être comprises, conscientes, transcendées.
"Gérer" ses émotions et son ressenti, c'est viser à ne pas déranger l'ordre extérieur, et ce n'est pas sain. 
Comprendre, accueillir et exprimer ses émotions et son ressenti avec la mesure appropriée, ça, c'est intéressant ! C'est un mouvement conscient de l'intérieur vers l'extérieur. Cela demande de l'expérience, de la maturité, l'absence de conditionnement (ce qui implique un environnement sûr, une confiance réciproque).

Hélas, plus personne ne supporte l'expression des émotions. Les "gérer" revient à devoir les intérioriser, ce qui n'a rien avoir avec la conscientisation. Nous sommes des êtres vivants et incarnés et pourtant, on nous oblige à ne vivre QUE par notre cerveau, délaissant notre corps et sa multitude de ressentis, et à ne nous exprimer QUE selon une norme établie de manière autoritaire et supérieure.
Les émotions et le ressenti sont des expression de soi et de ce qui se passe. C'est un langage. La mesure de l'expression qui s'accompagne d'empathie vise le respect de l'intégrité de soi et d'autrui, mais les normes restrictives sont tellement étroites qu'il devient impossible d'exprimer ses émotions sans nuire à la bienséance ! D'où l'obligation de gérer...
cette "gestion" provoque un stress d'inhibition extrêmement malsain et nuisible à long terme, surtout que cela est imposé dès l'enfance ! 



Nous devons nous habituer à accepter, à ne plus craindre ou mépriser cette expression : les larmes et les cris et les pleurs de tristesse, de douleurs, de nostalgie (la nostalgie est un sentiment très fort chez les hypersensibles), de frustration... 
Un enfants qui peut les exprimer, et dont les expression sont reçues et considérées sans mépris ni dureté, et surtout qui sont ensuite verbalisées et conscientisées (quand l'âge et le langage le permet), saura bien mieux les mesurer quand il sera adulte ! 
Le jour où l'on pourra consoler et prendre dans nos bras une personne qui hurle et qui pleure, une personne bouleversée par ce qui nous semble banal, nous vivrons véritablement dans un monde meilleur !

3. "C'est dans ta tête !", "Ce sont des scénarios mentaux"


Comme le disait Professeur Dumbledore : "Ce n'est pas parce que c'est dans ta tête que ce n'est pas réel !" 
Dénigrer la réalité du ressenti, c'est une telle violence ! D'autant plus si la personne est sensible !
On parle d'anxiété, ici. Si un stress ou une angoisse s'incruste et commence à nuire à santé, à parasiter les facultés de perception et d'analyse (panique), il faut mieux l'adresser de front : qu'est-ce qui angoisse ? D'où vient ce scénario, par quoi est-il généré ? Comment l'adresser ?
Le scénario est gonflé à partir du réel, il faut retrouver ce point d'origine !

La bienveillance prend du temp, et on n'en a pas beaucoup, c'est vrai : réussir sa vie est une occupation chronophage et égoïste.
Et pourtant, adresser l'anxiété avec bienveillance et non à la va-vite, avec déni ou mépris, c'est fortement réduire son impact négatif !

"La guérison commence 
dès que la souffrance est entendue."
- Cheryl Richardson

4. "Adapte-toi !"

Pour ce dernier point, je vous renvoie à cet autre article traitant spécifiquement de l'adaptation ICI


Conclusion 


Tant qu'on considérera la sensibilité comme un trouble ou une pathologie, tant qu'on encensera comme modèle de réussite ou de bonheur des gens endurcis, pragmatiques et rationnels, atones, nous ne parviendrons pas à sortir du paradigme actuel.

La raison sans l'expérience est un artifice ! Ainsi, nous devons nous réincarner, renouer avec le corps, avec les sens, et ramener la sensibilité à la surface, au grand jour, à la conscience plus qu'à la raison. 
Descendons du mental et remettons le cerveau à sa place d'outil et non de maître. Voilà qui, incidemment, ramènera l'ego à sa juste taille.

Il est temps de cesser de rabrouer les personnes sensibles, de les infantiliser, de leur jeter des phrases assassines, de les forcer dans leurs retranchements, là où ils ne nous agacent plus ! En écoutant leurs "scénarios", on peut entrevoir ce qui cloche vraiment dans notre société, dans nos fonctionnements. En considérant leur sensibilité comme partie intégrante de l'intelligence, nous élargirons le spectre de nos perspectives tout en rejoignant notre humanité.


FLB


bibliographie : 



Grossman Évelyne (2017), Éloge de l'hypersensibilité, Éditions de Minuit

Valéry Laurent (2017), L'enfance chez les stoïciens : histoire d'un ratage, https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2017-4-page-677.htm

Alice Miller (2014) Notre corps ne ment jamais, Flammarion ; (2015) C'est pour ton bien, Flammarion ; (1993) La souffrance muette de l'enfant : expression du refoulement dans l'Art et la politique, Aubier

James C. Scott (2018), Homo domesticus, La Découverte

Marshal Sahlins (2009), La nature humaine : invention occidentale, Éditions de l'Éclat

Et pour ceux qui s'intéressent à la gestion et au management
 Yohan Chapoutot (2020), Libre d'obéir, Gallimard